1990 ― Senso

1990
SENSO, valse 9’

  • 1ère version pour violon, clarinette, contrebasse et piano
  • 2e version pour deux pianos 12 mains
  • 3e version pour piano solo (2014)
présentation

La valse recèle un secret impénétrable qui ne cessera jamais de fasciner l’auditeur : l’ambivalence entre l’euphorie primesautière, le tournoiement des corps heureux en pleine lumière, et la mélancolie du souvenir, de la perte, de la solitude. Ainsi les diverses acceptions du mot senso en italien, qui vont du sentiment au ressenti par le biais des sens, jusqu’au haut-le-cœur.

Comment revivre le moment où, de l’effusion revécue d’un bal tout enfiévré de cette danse, incarnation de la vogue, un jeune musicien polonais à son clavier n’a retenu que l’ombre portée de sa propre souffrance ? Quand et comment sommes-nous passés de Johann Strauss à l’op.34 n°2 de Chopin (la mineur) ?

Sans doute cette triade aérienne du rythme de la valse qui délivre nos pieds de leur binarité laborieuse est-elle un attribut de la grâce ; sans doute est-elle celui par lequel nous invoquons anxieusement, parfois désespérément son retour. Notre écoute des grandes valses orchestrales de Tchaïkovsky (5e et 6e Symphonies), de Ravel, de Rachmaninov (2e Danse symphonique) a désormais dilaté cet univers mental entr’ouvert par Chopin, inséparable de l’idée romantique et de la Mitteleuropa où la valse est née.

A un siècle de la mort de ce dernier, et peu d’années de celle de Ravel et Rachmaninov, c’est sans doute par le Senso (1954) de Luchino Visconti que le XXe siècle a scellé, dans le genre inédit du cinéma, l’immortalité du romantisme à l’image comme le XIXe le fit pour l’art sonore, démultipliant pour l’imaginaire moderne les sources d’évocation.