1999-2000 ― Trois Chansons de l’Amour Divin

1999-2000
TROIS CHANSONS DE L’AMOUR DIVIN, de Saint Jean de la Croix 17’
pour chœur de femmes à 3 voix et harpe ; en langue espagnole

  1. Llama de amor viva
  2. Un pastorcico solo está penado
  3. Tras de un amoroso lance
présentation

Ce triptyque forme le pendant féminin de La Noche Oscura du même saint Jean de la Croix, empruntant cette fois l’effectif de Ceremony of Carols de Britten.

La luxuriance du texte met à une distance infinie le terme de Canción (chanson) utilisé par le Saint, interdisant toute idée de ritournelle (y compris “… tan alto, tan alto que le dí a la caza alcance” du n°3), mais propulsant l’âme de bout en bout par-delà les abîmes mystiques, dans l’immensité du Divin.



I ― LLAMA DE AMOR VIVA
¡Oh llama de amor viva,
que tiernamente hieres
de mi alma en el más profundo centro!
Pues ya no eres esquiva,
acaba ya, si quieres;
¡rompe la tela de este dulce encuentro!

¡Oh cauterio suave!
¡Oh regalada llaga!
¡Oh mano blanda! ¡Oh toque delicado,
que a vida eterna sabe,
y toda deuda paga!
Matando, muerte en vida la has trocado.

¡Oh lámparas de fuego,
en cuyos resplandores
las profundas cavernas del sentido,
que estaba oscuro y ciego,
con extraños primores
calor y luz dan junto a su Querido!

¡Cuán manso y amoroso
recuerdas en mi seno,
donde secretamente solo moras,
y en tu aspirar sabroso,
de bien y gloria lleno,
cuán delicadamente me enamoras!

O vive flamme d’amour
Qui tendrement blesses
Mon âme en son centre le plus profond!
Tu as mis fin à tes rigueurs,
Achève, je t’en prie,
Et déchire le voile de notre douce rencontre.

O suave brûlure!
O plaie délectable!
O douce main! O délicate touche
Qui a le goût de la vie éternelle
Et toute dette paie!
En tuant la mort, tu l’as changée en vie.

O lampes de feu!
Dans vos splendeurs
Les profondes cavernes du sens
Obscur et aveugle auparavant,
En d’admirables échanges
Renvoient à l’Aimé chaleur et lumière!

Comme tu es doux et plein d’amour
Tandis que tu t’éveilles en mon sein
Où en secret tu demeures!
Et dans ton souffle savoureux
Riche de gloire et de tout bien
Quelle délicatesse pour me faire t’aimer!

traduction : Jean Krynen

II ― UN PASTORCICO SOLO ESTA PENADO
Un pastorcico solo está penado,
ajeno de placer y de contento,
y en su pastora puesto el pensamiento,
y el pecho del amor muy lastimado.

No llora por haberle amor llagado,
que no le pena verse así afligido,
aunque en el corazón está herido;
mas llora por pensar que está olvidado.

Que sólo de pensar que está olvidado
de su bella pastora, con gran pena
se deja maltratar en tierra ajena,
el pecho del amor muy lastimado.

Y dice el pastorcico : ¡Ay, desdichado
de aquel que de mi amor ha hecho ausencia
y no quiere gozar la mi presencia,
y el pecho por su amor muy lastimado!

Y a cabo de un gran rato se ha encumbrado
sobre un árbol, do abrió sus brazos bellos,
y muerto se ha quedado asido dellos,
el pecho del amor muy lastimado.

Un pastoureau esseulé est dans la peine,
Le plaisir et la joie l’ont quitté,
L’esprit tout entier à sa pastourelle,
Le cœur tout meurtri d’amour.

Non que sa blessure d’amour lui tire les larmes,
Il ne pleure pas sur son malheur
Bien qu’en son cœur, il saigne;
Mais c’est de se savoir oublié.

Car à cette seule pensée que sa belle
L’a oublié, le chagrin le laisse livré
Aux méchants en terre lointaine,
Le cœur tout meurtri d’amour.

Et le pastoureau de s’écrier : Infortuné,
Celui qui se passe d’un tel amour
Et se détourne de goûter mon intimité,
Le cœur tout meurtri pour l’amour de lui!

Puis au bout d’un long moment il s’est hissé
A la cîme d’un arbre, ses beaux bras grand ouverts,
Pour y mourir, ainsi attaché,
Le cœur tout meurtri d’amour.

III ― TRAS DE UN AMOROSO LANCE
Tras de un amoroso lance,
y no de esperanza falto,
volé tan alto, tan alto,
que le di a la caza alcance.

Para que yo alcance diese
a aqueste lance divino,
tanto volar me convino
que de vista me perdiese;
y, con todo, en este trance
en el vuelo quedé falto;
mas el amor fue tan alto
que le di a la caza alcance.

Cuanto más alto subía
deslumbróseme la vista,
y la más fuerte conquista
en oscuro se hacía;
mas, por ser de amor el lance,
di un ciego y oscuro salto,
y fui tan alto, tan alto,
que le di a la caza alcance.

Cuanto más alto llegaba
de este lance tan subido,
tanto más bajo y rendido
y abatido me hallaba;
dije : ¡No habrá quien alcance!;
y abatíme tanto, tanto,
que fui tan alto, tan alto,
que le di a la caza alcance.

Por una extraña manera
mil vuelos pasé de un vuelo,
porque esperanza del cielo
tanto alcanza cuanto espera;
esperé solo este lance,
y en esperar no fui falto,
pues fui tan alto, tan alto,
que le di a la caza alcance.

A la faveur d’un élan d’amour,
Gonflé d’espérance,
Je volai si haut, si haut,
Que j’atteignis ma proie.

De cet élan divin,
Je volai tant et tant
Dans mon effort pour atteindre au but
Que ma vue se perdit
Et qu’enfin, d’angoisse
Mon vol tourna court ;
Mais si haut était l’amour
Que j’atteignis ma proie.

Plus je m’élevais
Plus j’étais ébloui,
Et la conquête la plus hardie
Se déroulait comme dans le noir
Mais, si plein d’amour était mon élan
Qu’en un saut obscur et aveugle,
Je bondis si haut, si haut,
Que j’atteignis ma proie.

Plus haut je parvenais
En cet élan suprême,
Plus humble, résigné
Et abattu je me trouvais;
Je m’écriai : qui donc le pourrait ! ?
Et je m’abîmai tant et tant
Que je m’en fus très haut, très haut,
Jusqu’à atteindre ma proie.

Par un fait mystérieux
Je vécus mille vols en un seul,
Tant l’espérance du ciel
Fait atteindre tout ce que l’on a espéré ;
J’avais seulement désiré cet élan,
Et mon attente ne fut pas vaine
Car je parvins si haut, si haut
Que j’atteignis ma proie.

traduction : Jean-Dominique Krynen